samedi 9 août 2014

Intangible héritage

C'est fait! J'attendais ce moment depuis longtemps, depuis que la douane belge m'avait égaré une de mes commandes eBay. Tu te souviens? C'était là en cliquant ici. Une amie et son compagnon ont passé un séjour en Arménie. ils m'ont permis d'en faire l'acquisition, ainsi que deux autres trésors nationaux.



L’existence du duduk (prononce "doudouk") remonterait, d'après l'Unesco, à l'époque du roi Tigran le Grand (90-55 avant Jicé). Il est également décrit dans de nombreux ouvrages arméniens du Moyen Âge. Et s'il ne devait y avoir qu'un seul instrument emblématique d'Arménie, c'est bien celui-là. Depuis que j'ai pris possession de cet instrument et que je prépare cet article, je me suis attelé à en apprendre davantage sur ce pays méconnu. Quel pays, quelle histoire et quel peuple! Quand on se penche un peu sur le sujet, on n'est plus surpris de ressentir toute l'émotion que dégage l'instrument! Comment s'étonner dès lors de leur classement, à sa musique et lui, au rang de chef-d'oeuvre du patrimoine oral et immatériel de l'humanité par l'Unesco?

Le duduk est donc l'instrument national arménien, dont l'usage ponctue les grands événements de la vie (mariages ou enterrements) et les grandes fêtes de la communauté. Il a récemment trouvé audience auprès du monde occidental par son usage dans les musiques de films célèbres (La dernière Tentation du Christ et Gladiator pour ne citer que ceux-là). Je te recommande très vivement, à ce sujet, l'article qu'Émilienne Malfatto, jeune journaliste, a consacré à l'avènement du duduk dans le cinéma. Elle y joint un document sonore très intéressant. Le duduk a également été rendu populaire dans la world music grâce à Peter Gabriel et dans le jazz fusion par Didier Malherbe et son Hadouk trio.

Le duduk est un hautbois. Ce rattachement à cette famille d'instruments, souviens-toi, est matérialisé par la présence d'une anche double. Cependant, une différence majeure va le singulariser de ses cousins : alors que pratiquement tous les hautbois traditionnels présentent une perce conique - étroit à l'embouchure, puis s'élargissant de façon continue vers le pavillon - qui en font des instruments au son puissant, le duduk - de même ses cousins turcs, Azerbaïdjanais ou iraniens - présente une perce cylindrique. Ce détail lui confère un son doux et profond, infiniment mélancolique. Le bois privilégié traditionnellement est l'abricotier. L'anche massive, le ghamish (prononce "ramich"), est façonnée dans un tronçon d'une solide canne de roseau, les deux lames jointes par une fine bande de cuir. Le tuyau présente huit trous sur le dessus et deux trous sur le dessous. Sa tessiture couvre un peu plus d'une octave (une douzième en travaillant bien...) Il en existe des modèles de différentes longueurs, soprano et alto, et l'instrument bénéficie de régulières innovations modernes : des instruments ténors et basses sont développés, ainsi que des instruments munis de clés permettant d'en étendre la tessiture et le jeu. Il y a également, j'en avais parlé, le développement d'instruments hybrides munis d'un bec de clarinette.
H10 - Duduk - Arménie - Bois, roseau, fil - 450mm





Tablature








J'ai mentionné l'existence du second instrument dans un article récent consacré aux flûtes obliques. La flûte blul (prononce bloul) en est la représentante arménienne. Tout aussi magique que ses cousines arabes, bulgares, turques ou macédoniennes, tout aussi difficile, elle n'est pas moins envoûtante et expressive. Egalement fait en bois d'abricotier, le tuyau présente huit trous de jeu sur le dessus, un trou pour le pouce et un trou d'accord sur le dessous.

De même que le duduk, le blul est un instrument incontournable des fêtes et événements de la vie arménienne. C'est aussi un instrument pastoral. Mais, contrairement à ses cousins bulgares ou turcs, il n'a pas encore réussi à sortir du cadre traditionnel arménien.

F207 - Flûte oblique "Blul" - Arménie - Bois, métal - 575mm






Le troisième instrument est une clarinette : le pku (prononce "pékou"). Le corps de l'instrument est en bois d'abricotier prolongé par une corne de vache. Le bec en bakélite reçoit une anche étroite ligaturée par du fil. La clarinette présente six trous de jeu et deux trous d'accord sur le dessus et un trou sur le dessous. J'en cherche encore la tablature que je viendrai glisser ici le moment venu.

C21 - Chalumeau "Pku" - Arménie - Bois, bakélite, roseau, corne, fil - 392mm

Voici sur cette vidéo quelques instruments d'un orchestre traditionnel arménien : tu peux voir, de gauche à droite, le tambour dehol, un 'oud (luth d'origine perse), deux duduks (le mélodique et le bourdon), le kamone, le blul, le kemenche, le tambour sur cadre daf et, en fin de morceau, la petite flûte de berger shvi.




Un tout grand merci, Marion, de m'avoir permis d'acquérir ces instruments. Je tiens également à témoigner de ma gratitude envers Artak Margaryan pour la qualité de ses instruments.

 Le facteur d'instruments Artak Margaryan et une partie de sa production : quelques duduks, différents modèles de la flûte shvi, et bien sûr les trois instruments que j'ai achetés.